Expositions Mode 2025

Depuis le printemps et tout l’été, la scène culturelle française vit au rythme d’une remarquable profusion d’expositions consacrées à la mode. Après Worth au Petit Palais, Dior à la Galerie Dior et Lacroix à Moulins, deux autres grandes rétrospectives étoffent ce panorama : Paul Poiret au Musée des Arts décoratifs à Paris et Rick Owens au Palais Galliera. Cette densité reflète un véritable moment de célébration de la création, de l’émancipation féminine et des dialogues entre patrimoine et avant‑garde.
« Worth, inventer la haute couture » au Petit Palais
Jusqu’au 7 septembre 2025, l’exposition « Worth, inventer la haute couture » retrace l’aventure fascinante de la maison Worth, fondée par Charles Frederick Worth, considéré comme le père de la haute couture parisienne.
Plus de 400 pièces y sont présentées : somptueuses robes crinolines, tea gowns raffinées, créations Art déco et accessoires emblématiques, dont certains prêtés par de prestigieuses institutions internationales. La scénographie met aussi en lumière l’univers complet de la maison : flacons de parfum, vidéos immersives, dispositifs olfactifs et documents d’archives illustrant comment Worth a révolutionné la mode en imaginant le défilé, la signature du créateur et la présentation saisonnière.
« Chez Monsieur Dior : la danse en haute couture « à la Galerie Dior
À quelques pas de là, la Galerie Dior, au 30 avenue Montaigne, propose jusqu’au 28 septembre 2025 une nouvelle exposition intitulée « Chez Monsieur Dior : la danse en haute couture ». Ce parcours poétique explore les liens intimes qui unissent la maison Dior et l’art chorégraphique, depuis les premiers costumes dessinés par Christian Dior pour des ballets en 1947, jusqu’aux créations récentes de Maria Grazia Chiuri. Croquis, photographies rares et près de 150 modèles dévoilent un dialogue constant entre mouvement et couture, révélant la grâce et la liberté au cœur des silhouettes Dior.
« Christian Lacroix en scène » au CNCS de Moulins (Centre national du costume de scène)
Enfin, plus au sud, à Moulins, le Centre national du costume de scène (CNCS) rend hommage à l’imaginaire baroque et flamboyant de Christian Lacroix avec l’exposition « Christian Lacroix en scène » (du 5 avril 2025 au 4 janvier 2026). Près de 150 costumes créés pour l’opéra, le théâtre et le ballet y sont exposés, aux côtés de maquettes, croquis préparatoires et archives. On y retrouve toute la richesse du style Lacroix : couleurs éclatantes, jeux de matières, références historiques et exubérance maîtrisée, qui ont fait de lui un créateur aussi admiré sur les podiums que sur les planches.
Paul Poiret : « La mode est une fête » (MAD Paris, 25 juin 2025 – 11 janvier 2026)
Le Musée des Arts décoratifs propose une plongée éblouissante dans l’univers du couturier visionnaire qui, au début du XXᵉ siècle, a libéré la silhouette féminine en bannissant le corset. Riche de plus de 550 œuvres (robes, accessoires, documents, flacons de parfum par Lalique), cette ambitieuse rétrospective retrace son itinéraire de jeune créateur à pionnier d’une esthétique totale : mode, art, parfumerie, performance et gastronomie se fondent dans une mise en scène flamboyante. Poiret, véritable « art‑director », y apparaît comme un maître de l’industrie naissante, dont l’influence est perceptible jusqu’à Saint‑Laurent, Galliano ou Dries Van Noten aujourd’hui.
Rick Owens : « Temple of Love » (Palais Galliera, 28 juin 2025 – 4 janvier 2026)
Parmi les autres expositions marquantes de l’année, celle que consacre our la première fois à Paris, le Palais Galliera, à l’Américain Rick Owens, figure radicale de la mode contemporaine. À travers plus de 100 silhouettes, archives personnelles, vidéos et œuvres d’art (Gustave Moreau, Joseph Beuys…), ce parcours monumental explore l’esthétique brute, l’underground et la provocation politique chères à Owens. De Los Angeles à Paris, il transforme les vêtements en sculptures, questionne les genres, la force corporelle et inscrit la mode dans le champ de l’art engagé. La scénographie, pensée avec Owens, s’ouvre au jardin et à la façade du musée : statues drapées de sequins, sculptures brutalistes, parterres californiens… le musée devient un véritable « temple de la création »
À Monaco, un hommage ensoleillé à Coco Chanel et aux Années folles
Jusqu’au 5 octobre 2025, le Nouveau Musée National de Monaco (Villa Paloma) consacre une exposition pleine de charme et de modernité à Coco Chanel, intitulée « Les Années folles de Coco Chanel ». Cette rétrospective retrace comment, dans l’effervescence des années 1920, Gabrielle Chanel a révolutionné l’allure féminine et accompagné l’émancipation des femmes, tout en insufflant un souffle neuf sur la Riviera.
Près de 200 pièces – dont une trentaine de créations signées Chanel, des accessoires, des croquis, des photographies et des œuvres d’art moderne (Picasso, Cocteau, Delaunay…) – plongent les visiteurs dans l’univers élégant et avant-gardiste de la créatrice. L’exposition dévoile aussi son rôle majeur auprès des Ballets russes, ses amitiés artistiques et ses inspirations puisées dans l’art et le style de vie méditerranéen.
Le parcours met en lumière cette mode pensée pour le mouvement et la liberté : marinières, pantalons fluides, chapeaux cloches et robes légères adaptées aux bains de mer, au sport et aux soirées sur la Riviera. Une mode nouvelle, décontractée et raffinée, qui a redéfini la silhouette féminine et marqué l’histoire.
Jamais les musées français n’avaient consacré autant d’expositions à la haute couture et à ses figures historiques ou contemporaines. Worth, Dior, Poiret, Chanel, Lacroix, Rick Owens… autant de noms qui, chacun à leur manière, ont inventé, réinventé ou bousculé les codes d’un art profondément lié à l’histoire sociale et artistique.
Et pourtant, cette profusion d’hommages survient à un moment paradoxal : la haute couture, et plus largement la mode, est aujourd’hui en questionnement. Pointée du doigt pour son empreinte environnementale et sa course au spectaculaire, elle fait aussi face au changement des habitudes d’achat en même temps qu’à l’essor d’une mode plus éthique, plus inclusive et plus responsable.
Ces expositions ne viennent pas seulement saluer la beauté d’un savoir‑faire ou la grâce d’une époque révolue. Elles nous rappellent surtout ce que la mode peut dire de nous : une histoire de libération et d’audace chez Poiret et Chanel, une quête de mouvement et de poésie chez Dior, un éclat théâtral chez Lacroix, une radicalité provocatrice chez Rick Owens. Elles nous invitent à regarder la mode non pas comme un simple produit ou un signe extérieur de richesse, mais comme un miroir de nos rêves, de nos tensions, de nos contradictions.
Si cet article vous a plu, vous aimerez sans doute explorer d’autres facettes du site à travers Accueil
0 commentaire